Le bureau d’écrivain : un lieu intime qui en dit long. Où écris-tu ?
Écrire un roman ou toute autre œuvre, littéraire ou non, c’est d’abord se créer un espace mental dégagé des soucis quotidiens, puis aussi un espace physique où rédiger, créer, imaginer, tenter, retoucher, s’exprimer, rêver, rechercher, composer, se retrouver, être soi, oser.
Alors évidemment, dégager de l’espace mental, ce n’est pas toujours évident. C’est savoir s’écouter et surtout écouter son silence. Parvenir à un état qui s’approche du vide où les idées naissent. La création s’exerce infiniment mieux quand on laisse son inconscient s’exprimer. Et le conscient prendre le relais pour mettre en forme, en mots, en idées, en images ton imagination. Cet espace mental qu’il faut créer en dégageant tout ce qui l’encombre -fausses croyances, doutes, peur, complexes, manque de foi en soi, en ses capacités, ses compétences, son talent- afin de pouvoir le laisser s’emplir d’idées, de pensées, de créations neuves, je sais qu’il est difficile à atteindre. Et pourtant il amène au flow, cette grâce de l’écrivain.
On peut s’aider en commençant déjà par se créer un espace physique, bien matériel, où nous nous retrouverons chaque fois que nous désirons écrire. Car posséder cet espace à soi- Une chambre à soi, avait écrit Virginia Wolf qui savait de quoi elle parlait, livre génial dont je te conseille la lecture- c’est te sentir en sécurité et légitime pour écrire. Et cette notion de sécurité a une immense importance pour ton cerveau. Il aime la sécurité. Écrire un livre, un roman, de la poésie, est pour lui considéré comme une prise de risque ! Un danger ! Et oui, le cerveau reptilien ne s’occupe que de notre survie. Pour lui, écrire est inutile, voire dangereux. C’est pourquoi tant de gens se sentent si mal à l’aise devant leur page blanche. Du moins, je le crois. Seul un neuroscientifique pourrait étayer cette idée. C’est l’expérience qui me fait penser comme cela, rien d’autre qu’une longue expérience. Quoi qu’il en soit, je reste persuadée que si tu crée un espace physique où tu te sens bien, tu seras beaucoup plus à même de créer un espace mental pour écrire librement et avec davantage de créativité.
Ta chambre à toi, comme l’appelait Virginia Wolf, peut être ta chambre, un café, ton bureau, ton salon, un banc dans un parc, peu importe. Ce qu’il faut c’est que tu crées une habitude de t’y sentir à l’aise afin de déclencher en toi une émotion agréable, inspirante qui te pousse immédiatement à écrire. Créer ce qu’on appelle un ancrage.
Je te propose donc une virée dans l’univers intime des écrivains. A quoi ressemble, à quoi ressemblaient leur bureau, ce lieu d’épanouissement de leur créativité ?
Le bureau d’écrivain de Romain Gary-Emile Ajar
Romain Gary-Emile Ajar
Le bureau de Romain Gary, l’homme aux deux Goncourt et à la Croix de guerre, consul de Los Angeles, époux de Jean Seberg, bref homme de génie et écrivain de génie, l’un de mes préférés. Dans son bureau un panneau de photos de lui et Jean Seberg. Et un très grand bureau où s’étaler. Des objets personnels. Bref, un lieu bien à lui plutôt moderne. La photographie a certainement été prise dans les années 70. Le bureau d’un homme installé dans sa vie et son époque.
Le bureau d’écrivain de John Irving
John Irving
Immense bureau pour John Irving en plein boulot, et on sent effectivement le lutteur (la lutte est son sport de prédilection et il semble bien écrire en débardeur de sport.) Tous ces tas de pages, cette énorme vieille machine à écrire, ce livre à la main qui est peut-être un dictionnaire, paraissent indiquer une lutte avec les mots. Et le regard est celui d’un homme surpris dans sa concentration. Des photos dans des cadres aussi pour se sentir relié à sa famille, au monde. J’allais dire au Monde selon Garp !
Le bureau d’écrivain d’André Breton
André Breton, 1960
André Breton, le pape du surréalisme, avait une collection extraordinaire de masques et statues amérindiens, africains, océaniens, esquimaux, des tableaux de ses amis surréalistes, des ex-votos, et mille autres objets provenant de civilisations premières ou d’apparence étrange. Le magnifique mur de son atelier-bureau était un hymne à la culture, la poésie, l’étrangeté, l’inconnu, le surréalisme bien entendu. André Breton s’était crée un espace absolument à lui, unique. On ne le voit pas sur la photo mais sur d’autres murs quantité de livres évidemment.
Pour te dire la vérité, ce bureau n’est pas sans me rappeler… le mien, à la fois atelier de peinture, salon, et lieu de mon écriture quand je n’écris pas dans… mon lit !
Le bureau d’écrivain de Charles Dickens
Charles Dickens
Un pupitre, une horloge, des plumes à écrire dans un espace réduit, un coin presque obscur. Petit et austère, sans chichis, ce bureau semble chuchoter que tout se passe dans l’esprit et qu’il n’est nul besoin de grands arrangements pour se mettre à imaginer et écrire. De la simplicité ! Et peut-être un manque de moyens financiers car ce bureau doit celui des débuts de sa vie car Charles Dickens devint rapidement célèbre et argenté.
Le bureau d’écrivain d’Elsa Triolet
Elsa Triolet
Bourgeois avec ses meubles en bois foncé et ses livres, confortable avec son tapis et même un repose-pieds, féminin aussi avec cette table galbée aux courbes marquées, le bureau d’Elsa Triolet, grande romancière française d’origine russe malheureusement bien mal lue en France, et que je te conseille de lire, épouse de Louis Aragon, se situe au moulin de Villeneuve à Saint-Arnoult-en-Yvelines. Dans ce magnifique lieu au calme dans un parc de 6 hectares, Elsa Triolet aimait à travailler avec son époux dont le bureau, séparé, était bien sûr différent. Ce qu’il y avait de russe encore en Elsa se voit à la présence du superbe poêle. Le silence, le calme et la proximité de la nature, conditions merveilleuses d’écriture, sont palpables dans l’atmosphère feutrée.
Le bureau d’écrivain de Georges Simenon
Georges Simenon
Simenon, l’écrivain au plus de 400 livres, était un maniaque de la pipe en écume, un collectionneur. Sur le mur un râtelier fourni de pipes, sur le bureau un assortiment qu’il aimait classer à sa manière. De l’ordre, beaucoup d’ordre. Et presque autant de place pour les pipes que pour écrire ! Il pouvait écrire ses Maigret en 7 jours, ce qui me laisse toujours sans voix ! C’était un homme méticuleux et ordonné jusque dans sa création littéraire, œuvre immense.
Le bureau d’écrivain d’Ernest Hemingway
Ernest Hemingway
Hemingway préférait comme Victor Hugo le pupitre. Travailler debout, bouger, ne pas s’endormir. C’est sportif et ce n’est pas pour tout le monde. Mais cela correspondait bien à l’image virile et sportive de chasseur qu’Hemingway se faisait de lui-même. Et à l’extérieur, en plein air, vue sur le jardin de sa splendide maison de Key West.
Le bureau de scénariste d’Alfred Hitchcock
Alfred Hitchcock
Alfred Hitchcock était un réalisateur génial mais aussi un scénariste aguerri. Il avait du reste commencé sa carrière par la rédaction de scénarios car il était doué pour l’écriture. Et c’était un homme qui aimait boire. Et manger. Trop, beaucoup trop. Écrire sur un comptoir bien garni d’alcool, il fallait y penser, n’est-ce pas ?
Le bureau d’écrivain de Jane Austen
Jane Austen
Ce n’était facile d’être Jane Austen. Écrivaine au XIXè siècle, quelle aventure ! En cette époque où les femmes étaient considérées au mieux comme de ravissants objets, au pire comme des bêtes de somme, elle eut cependant la chance de naître dans une famille qui la soutint dans ses aventures littéraires. Une famille cultivée, ouverte, une rareté en somme. Mais il faut croire que la pression sociale en Angleterre n’était pas mince car elle préféra passer sa vie dans un quasi anonymat même si les gens les plus cultivés lisaient ses livres. Je ne suis donc pas surprise par ce minuscule guéridon tellement humble et discret.
Le bureau d’écrivain de Jean Giono
Jean Giono
Sous les toits de sa maison à Manosque, Jean Giono avait une belle vue sur la nature. Des livres, de la lumière, une immense cheminée pour l’hiver et le plaisir des pignes qui craquent dans le feu, des fauteuils énormes et confortables où fumer sa pipe, un divan pour la sieste, tout respire le confort, la campagne bien aménagée, la simplicité sans frugalité et le silence. Une parfaite demeure d’écrivain. La table en elle-même n’a pas l’air d’un bureau et ne sent donc pas la transpiration. Et Giono le disait, il écrivait pour le plaisir. S’il ne prenait pas de plaisir, il arrêtait. Un jouisseur tranquille, un pacifiste convaincu, et l’un de nos plus grands écrivains écrivait ses romans dans un lieu qui respirait la tranquillité et l’harmonie.
Le bureau d’écrivain de Joseph Delteil
Joseph Delteil
Ah, le bureau de Joseph Delteil ! C’est quelque chose, n’est-ce pas ! C’est énorme et incroyable. Un foutoir complet et chaleureux avec son grand poêle. A nos yeux du moins. Car il s’y reconnaissait certainement comme tous les artistes qui vivent dans un lieu encombré. Les livres, la culture, voici ce qui importe semble tonner ce bureau. Qui me semble plus proche d’un atelier que d’un bureau mais qu’importe : Joseph Delteil était dans son royaume.
Le bureau d’écrivain de Louis Aragon
Louis Aragon
Bourgeois, confortable, tapis, bibliothèque, vaste cheminée, c’est un bureau d’écrivain qui a réussi. La table n’est toujours pas une table de bureau comme chez la majorité des écrivains car ils n’aiment en général pas les bureaux : cela sent la sueur, le fonctionnariat, le travail de routine et non l’art, la création, la fantaisie. Ce bureau-ci est une simple table de ferme sans aucune prétention. Les bureaux d’écrivains sont rarement prétentieux. La corbeille est d’osier tressé, tout cela sent à la fois l’écrivain installé et la simplicité est mêlée au raffinement. C’est ordonné, et les objets rouges et noirs assortis ont l’air par contre beaux et luxueux. Tout est pensé ici, rien n’est laissé au hasard. Aragon, que je considère comme notre plus grand poète avec Hugo, devait entrer dans son antre comme dans un cocon. L’ambiance est très protectrice, et les sons atténuée, j’imagine, par les tapis.
Le bureau d’écrivain de Martin Amis
Martin Amis
Désordre et même un certain délabrement, du laissez-aller, divan déchiré, livres jetés à terre, verrière encombré de vieilles feuilles d’arbres. Cela sent la création, l’atelier, la recherche, le lieu bien à soi, rien d’ostentatoire. C’est avant tout un lieu de travail, de recherches. On y va pour produire, pas pour se trouver dans un lieu esthétique. Ce qui n’empêche pas que la verrière en fait un endroit sympathique. Et ça va bien à l’univers déchiré et grinçant de Martin Amis.
Le bureau d’écrivain de Michel Déon
Michel Déon
Des livres, des livres, des livres. Des photos, des objets personnels. Un antre dédié au travail, à la culture. Tout semble frappé du sceau de la culture. Et cultivé, Michel Déon, excellent écrivain, l’était extrêmement. Autant qu’un bureau, cette pièce est une bibliothèque.
Le bureau d’écrivain de Nick Cave
Nick Cave à Berlin, 1986
Minuscule, on ne peut s’y tenir debout. Pourquoi ce trou en guise de bureau ? Nick Cave seul pourrait nous le dire. Je suppose qu’il y écrivait par terre, assis sur le duvet. C’est un lieu étrange qui me rendrait vite claustrophobe. En même temps, de la part de ce chanteur, auteur, écrivain, scénariste, romancier déjanté, accroc à la drogue et l’alcool, je n’attends rien de très classique. Comme quoi la création est partout et les lieux de création que nous choisissons sont bien les reflets de notre personnalité.
Le bureau d’écrivain de Stephen King
Stephen King
Un bureau qui est un vrai bureau ! Moche et fonctionnel. Utilitaire. Même pas franchement confortable. Bas de plafond, et l’espace où l’écrivain se meut est minuscule. Mais ça sent le travail acharné, l’écriture sans concession ni répit. Et je respecte ça ! Des piles de feuilles partout, des livres, et même la présence d’un chien. J’aime la pose décontractée de l’artiste les pieds sur la table. Ma foi, Stephen King est bien le roi de son petit monde et je trouve qu’il y a l’air très à l’aise.
Le bureau d’écrivain de Tom Wolfe
Tom Wolfe
Absolument ostentatoire comme son propriétaire, dandy absolu, le bureau de Tom Wolfe a été construit sur mesure pour lui. C’est clairement un espace à sa gloire. Les deux abat-jours sont surmontés de chapeaux blanc -Tom Wolfe ne se déplaçait jamais sans le sien-, deux affiches le représentent, et sur le mur un patchwork de chapeaux nous fait un clin d’oeil. Tout cela ne manque pas d’allure et d’humour, comme une légère auto-ironie et parodie de lui-même. Les meubles sont cossus, la moquette de qualité, les murs couleur XVIIIème, c’est un abri snob, élégant, agréable qui va bien au dandy qu’il était et qui nous a quitté il y a peu de temps. Et l’ironie, voire la provocation, Tom Wolfe connaissait bien…
Le bureau de chercheur d’Albert Einstein
Albert Einstein
Einstein n’était pas à proprement parler écrivain, tu le sais. Mais il avait une excellente plume comme en témoignent ses lettres et son livre Comment je vois le monde. Le tableau noir pour les calculs, et un bazar où seul lui pouvait se reconnaître : cela sent le bouillonnement intellectuel, la créativité ; pas de temps à perdre en rangements stériles !
Le bureau de poète de Dylan Thomas
Dylan Thomas
Le lieu est petit et charmant, tout en bois. Les meubles simples et rustiques. Le tout rouge et vert, couleurs complémentaires. Pas de corbeille, les ratages chiffonnés à terre, du désordre : là aussi, pas de temps pour le rangement. Plutôt créer, c’est tellement plus intéressant. Dylan Thomas, le poète et écrivain gallois ne fit pas de vieux os : 39 ans. Il faut dire qu’il avait beaucoup bu. En regardant bien, ne serait-ce pas une bouteille d’alcool vide sur le bureau ?
Le bureau d’écrivain de Jack Kerouac
Jack Kerouac
C’est à peu près rangé et c’est laid. Fonctionnel et sans charme. Avec un horrible meuble de bureau en métal. Aucun style, aucun effort esthétique. Mais des signes religieux partout. C’est très déroutant car je trouve que c’est d’aspect médiocre, cela a une allure d’appartement petit-bourgeois. J’ai adoré l’inoubliable Sur la route. Mais le bureau de Jack Kerouac ! Je pourrais difficilement écrire dans cet endroit. Ce meuble en métal ! Décidémment, cet écrivain formidable n’a pas fini de me surprendre. C’est si éloigné de son écriture qui sent la poudre ! Ce bureau sent la bondieuserie à deux sous et la petite bourgeoisie !
Mine de rien, nous venons d’entrer sur la pointe des pieds dans 20 bureaux d’écrivains. Presque toutes les pièces ont l’air correctement éclairées par une grande fenêtre, presque toutes contiennent des objets personnels et des bureaux qui sont de simples tables. Des bureaux qui ressemblent à des bibliothèques, des ateliers d’artisans, jamais à des bureaux d’institutions, de bureaucrates, d’entreprises. Tout est personnel, choisi, intime.
Et toi, où écris-tu ? Quel est ton lieu de prédilection ? Tu peux nous le partager en commentaire. Je trouve la rentrée propice à aménager ou réaménager un lieu où nous sommes vraiment à l’aise pour écrire, un lieu qui nous ressemble absolument, un lieu où la création littéraire nous devient une évidence. À toi de jouer !
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