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Une semaine, un texte, défi n°9 avec le mot ensemble

Une semaine, un texte, défi n°9 avec le mot ensemble

 

Crédit photo : Alain Bachellier

Crédit photo : Alain Bachellier

Pour le défi de cette semaine, j’ai tiré le mot ensemble. Et voici ce qu’il m’inspire… Attention, texte accusateur ! Pas de poésie aujourd’hui !

                                         Ensemble

 

Ensemble : je pense aussitôt grands ensembles. Quand j’étais plus jeune, dans les années 80, on parlait de grands ensembles. Vivre ensemble en grand, dans une grande architecture. Le malheur est que cette architecture n’était pas pensée pour vivre ensemble, pas conçue pour le bonheur, la chaleur humaine, la convivialité. On a essayé quelques améliorations depuis mais les résultats ne sont pas au rendez-vous. On ne peut pas créer un lieu de vie artificiel en y aménageant des conditions propices à une vie profonde et féconde. Et de toute manière, ceux qui construisent ne le veulent surtout pas. Les grands ensembles étaient et sont toujours des barres d’immeubles répétées sur un grand terrain. Rien d’autre au fond. On est loin de la Cité radieuse de Marseille avec sa vie associative, sa piscine sur le toit, ses magasins, son hôtel, ses spectacles, ses fêtes, tout cela géré par un collectif.

Non, les grands ensembles ont été conçus pour entasser le maximum de gens. Puis on a entendu le mot cité-dortoir.  Cela au moins avait le mérite de dire les choses clairement. Cité-dortoir : on en part le matin pour aller travailler et se faire tondre, on y revient le soir pour dormir comme le mouton à la bergerie. C’est clair : plus de vivons ensemble, là.

Puis c’est devenu la citée. Ah, ah, je me gause ! La cité… On est loin du modèle grec, quand les citoyens participaient, y compris politiquement, à la vie de la cité. Cité, c’est un beau mot, un mot noble. Aujourd’hui, quand on dit cité, on pense aux grands ensemble, aux HLM, où s’entassent la population la plus paupérisée, où se joue le trafic d’armes, de drogues, de femmes et d’autres joyeusetés, où se cachent les djiahistes maintenant. On prononce aujourd’hui le mot cité comme on dit un gros mot.

Je sais que certains sont attachés à leur cité. Ils n’ont en général rien connu de meilleur. Ils ont réussi à tirer leur épingle du jeu et je leur tire mon chapeau bien bas. Mais je crois que la majorité des gens n’ont aucune envie de vivre dans ces lieux. Dans ces grands ensembles.

C’est une politique inhumaine, ou volontairement déshumanisante qui a permis, qui permet, aux grands promoteurs de construire ces cages à poules et de s’en mettre plein les poches. On se plaint du petit banditisme, (le grand banditisme, celui là, les médias sont pudiques, on en entend presque rien, et pour cause…), des prisons pleines. On donne en pâture aux Français télévisés des petits voyous, des faits divers, pour leur faire oublier qu’au-dessus sont les vrais responsables : promoteurs respectés, politiciens bien installés, chefs d’entreprises admirés, banquiers courtisés, et j’en passe. On ne nous informe pas sur les grands noms du trafic de femmes, de drogue, d’armes, d’organes, d’animaux, de bois, l’un des plus lucratifs à notre époque (pour ce dernier, demandez autour de vous, personne n’est au courant.) Dans le monde entier, la même histoire. N’oublions pas qu’au moment de sa mort, pour ne citer qu’un grand voyou, Pablo Escobar était classé le septième homme le plus riche du monde par Forbes. Ça laisse songeur, non ?

Si les grands ensemble existent, c’est que des hommes dont nous ne connaissons ni le visage ni le nom ont d’immenses intérêt à abêtir la population, lui donner des conditions de vie déplorables, la modeler pour en faire une pâte souple qui s’adapte à toutes les avanies, à la misère, la médiocrité, les boulots minables, les misérables quart-temps, mi-temps, les CDD, le travail le dimanche, les contrats à siège éjectable. Si les grands ensembles existent, c’est parce que ces mêmes hommes ont besoin de petits caïds pour faire régner la terreur et le silence, besoin de ces hommes de main et de paille pour exercer leurs pouvoirs à tous les niveaux de leurs vastes business de drogues, d’armes, de traites des femmes, d’organes… Si les grands ensembles existent, c’est que des hommes immensément fortunés aiment engranger de l’argent maladivement : construire, bâtir des grands ensembles avec cette main d’œuvre mal payée, voilà qui rapporte beaucoup. Si les grands ensembles existent, c’est que des politiciens véreux touchent d’énormes enveloppes, que des maires se gavent à cette ignoble mangeoire du pot-de-vin, eux aussi. Si les grands ensembles existent, c’est que des entreprises monstrueuses y ont des intérêts colossaux : électricité, eau, gaz, béton, métal, machines, la liste est trop vaste pour que je la fasse. Je la laisse à votre imagination.

Si aujourd’hui, nous en sommes où nous en sommes, ce n’est pas le fruit du hasard. Les grands ensembles, sous prétexte de reloger rapidement, ont été le fruit pourri d’une politique volontaire d’abrutissement de la population, une politique manipulatoire dés le début, et l’est plus que jamais. N’oublions pas, cerise sur le gâteau, que les gens exploités sont aussi des consommateurs. On prend dans la poche des gens qui gagnent un peu plus ( classe moyenne et supérieures que l’on dépouille d’année en année sans vergogne), mais pas dans celles des vrais riches, des grandes entreprises, multinationales, banques, etc, qui bénéficient d’arrangements royaux indignes d’une démocratie -et on distribue aux pauvres des grands ensemble une partie de cet argent, aussitôt récupérée par les gros requins qui vendent les produits de consommation nécessaires à la survie ou imposés par le matraquage télévisuel (malbouffe, vêtements, chaussures de sports dépassant largement les moyens du pauvre en question, télévisions, ordinateurs, smart-phones, tablettes et autres gadgets, et les abonnements qui vont avec.) Et si la chance est avec les requins (et ils font tout pour ça), les pauvres s’endettent dans un organisme de crédit. Les pauvres sont des jouets très amusants.

Tout cela est à l’échelle mondiale. Dépassons le cadre national. Les patrons des entreprises multinationales (ou transnationales pour employer le terme à la mode) sont les grands gagnants. Le lobbying ne s’est jamais aussi bien porté. Les grands ensembles gangrènent le monde, il y en aura de plus en plus, et dans tous les recoins de la planète. Il faut beaucoup de main d’œuvre pour rendre heureux et puissants les grands nantis !

Tout va pour le mieux dans Le meilleur des mondes, pourquoi voudriez-vous que cela cesse ?

Une citation du chef-d’œuvre visionnaire d’Huxley :

   Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des autres. L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées. Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limitée, et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif. Surtout pas de philosophie. Là encore il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des informations et des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux. En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté : de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain est le modèle de la liberté.

Ca fait froid dans le dos, non ?

Ne vous demandez plus si nous y sommes. Nous y sommes depuis des décennies déjà. Aujourd’hui le pouvoir est entre les mains des banquiers, des voyous, des politiciens véreux, des multinationales, des grands trafiquants…

Pas entre les mains des honnêtes hommes, pas entre les mains de la population. Celui qui a posé la première pierre du premier grand ensemble devait bien le savoir…

 

Crédit photo : Aldous Huxley

Crédit photo : Aldous Huxley

 

MES COMMENTAIRES :

C’est étonnant, je n’ai pas écrit une petite nouvelle comme d’habitude. Ce qui pèse sur mon cœur depuis tant d’années c’est écoulé, là. Sans fioriture, sans littérature. Un texte qui ne sera pas apprécié par tous. Tant pis. Avec les mots, on ne fait pas toujours du roman, de la littérature. Après tout, les mots servent aussi à exprimer des constats -navrés dans ce cas particulier- et des idées. L’aspect politique du texte ne m’étonne pas : je n’aime pas la mondialisation, je n‘aime être prise pour une imbécile, je n’aime pas la soumission, je n’aime pas la médiocrité, je n’aime pas la violence qui est faite aux hommes. Et je n’aime pas les grands ensembles, vous l’aviez compris.

Aux débutants qui auraient peur de s’exprimer sincèrement, qui auraient peur de choquer, gêner le lecteur par leurs propos, je dis ceci : si la pensée est exprimée clairement, si elle vise à rétablir ce que vous pensez être une vérité, ne vous restreignez pas : écrivez. Bien sûr, soyez juste, n‘écrivez pas n’importe quoi, mais soyez vrai. L’angélisme n’a jamais rendu un texte ou une pensée intéressants. Ce qui découle de la lecture qui sera faite de votre texte n’est pas de votre ressort. Je ne pense pas que ce texte mette tout le monde d’accord. Je sais aussi que certains lecteurs seront d’accord, cela me suffit.

J’ai écrit le défi précédent, n°8, autour du mot : prendre. Avis aux amateurs !

Et vous, qu’est-ce que le mot ensemble vous évoque ?

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8 Commentaires

  1. Marie-françoise

    Les états peuvent ils disparaître ?!.Il y en un qui s’acharne à vouloir exister, en principe malgré la désapprobation des autres. Comment ?. Cherchez les erreurs ,elles sont dans le texte de Laure Gerbaud.

    Répondre
    1. Laure Gerbaud (Auteur de l'article)

      Je n’avais pas pensé à cet état-là en particulier plutôt à un ordre mondial qui s’instaure, s’infiltre doucement, en dehors de la conscience de la majorité des gens. Mais tu as raison, et du reste les mêmes causes s’y appliquent aussi. Au final, c’est toujours la soif arrogante du pouvoir.

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  2. Marie-françoise

    Dans mon commentaire » erreurs » voulait bien signifier causes.

    Répondre
    1. Laure Gerbaud (Auteur de l'article)

      Je l’ai compris comme ça.

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  3. Thierry cham

    pour une fois un truc sympa sur Gogol plus…

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    1. Laure Gerbaud (Auteur de l'article)

      Merci Thierry !

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  4. Slimani Fatma-Zohra

    Ce que vous dites sur ces ensembles est tellement moche et vrai.
    Mais essayons de voir les choses sous un autre angle :
    Ensemble, nous irons loin
    Ensemble nous vivrons heureux.
    Ensemble nous vivrons dans de grandes maisons aux larges fenêtres.
    Ensemble, nous nous réunirons dans de grands jardins fleuris en toute saison.
    Ensemble, nous partagerons tout savec les villes avoisinantes, les villages proches et les pays frontaliers.
    Ensemble, nous connaîtrons la paix de savourer d’heureux moments ensemble.
    Ensemble, nous ne serons plus jamais seuls, entourés de fleurs que caresseront les papillons multicolores …Tout cela égayé par le chant des oiseaux qui répèteront tous ensemble notre hymne à la vie et à la joie de tout partager, ensemble pour l’éternité.

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    1. Laure Gerbaud (Auteur de l'article)

      L’idée est bonne d’en faire une version positive. Je l’aime quand même moins que tes autres textes, sans doute parce qu’il est moins poétique. Il mérite un peu de travail.

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