Quel contenu pour ton roman ?

Franchement, certains jours tu aurais voulu éviter ça… Ca quoi ? La jambe cassée, le patron insupportable, l’employé qui  a envoyé valdinguer ta meilleure cliente, ta voiture qui ne démarre plus quatre heures avant de prendre ton avion…  Tu vois le genre !

Avant-hier soir, une femme frappait à tour de bras son enfant de 11 ans et l’étranglait en pleine rue. Oui, tu as bien lu. J’ai dû appeler la police. Puis j’ai appris que la femme se drogue, boit, se bat à coup de couteaux avec ses amants, drogués, qu’elle reçoit à domicile, roule dans une voiture volée, n’a plus de carte grise depuis un an et demi, a un casier judiciaire bien fourni , a déjà menacé son enfant de mort, couteau en main, a un casier judiciaire, fait l’entraîneuse en boîte de nuit, et plus… Que du bonheur pour l’enfant ! La DASS refuse de bouger et le juge pour enfant a donné la garde partagée aux parents : une semaine chez l’un, une semaine chez l’autre. Comme un sac de pomme de terre. Le grand-père et le père ont un dossier de plus de 150 pages avec de multiples témoignages, se bat avec le père depuis des années, mais la justice trouve que c’est très bien que l’enfant soit « éduqué » par sa mère. La DASS aussi.

La police a refusé de prendre mon témoignage, si, si, c’est authentique, et m’a mal parlé. Trois policiers grossiers, arrogants, méprisants, à qui l’uniforme monte à la tête. Je les ai dérangés, ils étaient mieux au commissariat… Je ne me suis pas laissée faire, je leur ai dit que leur uniforme ne m’impressionnait pas. S’il le faut j’irai poser une main courante et ils ne pourront la refuser.

Tu vois, j’ai mal dormi cette nuit-là, et tard. J’étais bien contente d’avoir un bon livre pour me changer les idées car j’étais écoeurée et bouleversée. La lecture sert aussi à ça : t’envoyer sur un monde meilleur quand le monde te fait peur, te démoralise ou te met en rage. Là, c’était les trois à la fois.

 

Crédit photo : Dave Conner

Quel contenu pour ton roman ?

 

Où je veux en venir dans ce mail ? Juste te dire cela : mets de belles choses dans tes romans, tes textes, tes pièces de théâtres, tes poèmes… Mets-y de la beauté, des sentiments nobles, montre des personnages qui veulent s’élever moralement, humainement, et si tu montres l’horreur que ce soit toujours pour la critiquer et la condamner. Humanise tes récits, donne de l’amour, de l’amitié, du partage, montre aux hommes qu’ils peuvent s’élever et non se contenter de se vautrer dans la fange. Montre des valeurs nobles, sois très clair là-dessus car le monde en a besoin. Cruellement besoin. Le monde a besoin d’exemples. Sois le changement que tu veux voir dans le monde, écrivait Ghandi.

Le monde est cruel. Je voudrais t’écrire que le monde est bon mais je ne le pense pas. L’homme a besoin qu’on lui montre quand il se conduit mal, quand il abuse de son pouvoir, quand il se conduit comme une brute, quand il fait montre de manque de sensibilité et de stupidité. Le monde a besoin de ce message : ne sois pas lâche, ne détourne pas le regard, ne fuis pas tes responsabilités, assume-les. Hier, il y avait des braves gens dans la rue qui ont empêché la mère d’achever l’enfant alors qu’elle l’étranglait après l’avoir quasiment  assommé, et l’ont obligée à rester, physiquement, jusqu’à ce que la police arrive. Le monde a besoin de gens comme ceux-là, des gens humains, prêts à soutenir les faibles, les frappés d’injustice. Alors les livres, si nombreux, qui décrivent l’horreur avec pour seul but de s’y vautrer complaisamment, j’estime que le monde n’en a pas besoin, et qu’ils sont dangereux.

Le grand-père m’a téléphoné pour me remercier le lendemain ; voici ce qu’il m’a dit : la mère a ramené son fils à la maison puis elle est partie en boîte de nuit faire son lamentable métier. Le gamin est resté seul, terrorisé à l’idée que sa mère rentre. Il est resté sur Skype deux heures avec son grand-père jusqu’à s’endormir, épuisé. Car la police a bien entendu refusé de donner l’enfant au grand-père au moins pour la soirée… De toute façon, ces trois policiers jugeaient très bien que la mère tabasse son fils. Oui, tu as bien lu. Ils me l’ont bien fait sentir.

Se servir de l’écriture pour dénoncer l’injustice

 

Dans cette histoire, la DASS est complice, le juge pour enfant est complice et la police est complice (les trois policiers ont refusé de prendre mon témoignage, tu te rends compte !) Nous ne pouvons pas faire partie de ces gens-là. Nous ne voulons pas faire partie de ces gens-là. Ce sont des lâches. Qui ne dit mot consent. Donc tes livres peuvent aussi te servir à crier la vérité. Là où personne ne veut l’entendre. Ce peut être sur la pollution, les animaux battus, les enfants battus, les femmes battues, la guerre, la mondialisation, ce que tu veux. Si tu as envie de le faire, vas-y, fais-le, ne te gêne pas. Le monde a besoin d’entendre ta voix. Et si tu préfères la douceur, alors défends les beaux sentiments, les émotions nobles, les personnages qui ont de la gueule et du cœur. Si tu écris, tu possèdes une arme explosive entre tes mains : tes mots. Fais-en bon usage, défends ce qui en vaut la peine, et dénonce ce qui doit être dénoncé ! Ne te prive de rien. Avance avec la ferveur de celui qui a de bonnes causes à défendre. Et si tu n’en as aucune à défendre en particulier, alors propage l’amour  avec tes mots.

Que tes livres éclairent le chemin et donnent à penser et sentir que l’humain peut et doit s’élever plus haut, qu’il doit prendre ses responsabilités et défendre le faible, mettre à l’abri l’humanité des gens mauvais, et se soigner soi-même pour devenir meilleur. Qu’on ne vienne pas me dire que cette femme a des excuses. Elle est responsable d’elle-même et de ce qu’elle fait subir à son entourage (elle a d’autres enfants !) Les victimes sont les victimes et les bourreaux sont les bourreaux. Ne les confondons pas. Il ne s’agit pas de haïr, mais de mettre hors d’état de nuire les bourreaux. De protéger ceux qui doivent être protégés. Cosette fait davantage pleurer dans les chaumières que cet enfant, bien réel, qui subit sa génitrice avec l’assentiment et la bénédiction de trois institutions !

 

Crédit photo : stuart Anthony

Se servir de l’écriture pour pacifier le monde

 

Oui, que nos livres apportent de la douceur dans ce monde de furie et de barbarie. Je suis rentrée chez moi, bouleversée, j’ai fait manger et coucher ma fille avec beaucoup de retard, puis je me suis dit que j’allais me détendre. J’ai pris l’ordinateur et là, qu’ai-je lu ? Quelques heures auparavant, un attentat sur les Champs-Elysées… Oui, notre monde a besoin de douceur et d’humanité… Le monde saigne par tous ses pores.

Les mots sont douceur, les mots sont tranchants. Utilise-les comme un glaive pour trancher dans le mal, utilise-les comme des caresses pour cajoler le bien. Mais que ton lecteur sache toujours de quel côté tu te places, quels idéaux, quelles valeurs tes personnages défendent et promeuvent. Bien entendu, il existe une forme de naïveté à croire qu’on peut changer le monde avec des mots. C’est seulement que nous n’en sommes pas là mais il faut le promouvoir. Montrer la voie. Si les hommes réglaient leurs problèmes grâce à la diplomatie cela se verrait : plus de guerres. Mais la Diplomatie, qui devrait être un art, est balbutiante, le dialogue entre les hommes est balbutiant. Ce ne sont que pouvoir, autorité, force brute partout imposés sur la planète. Dieu, l’univers, le destin, la chance, qui tu veux, a mis cet instrument magnifique et magique dans les hommes : la parole. Et qu’en faisons-nous ? La parole, c’est aussi l’écriture, et elles doivent être, avant tout, des instruments de pacification. Qu’importe que cela paraisse naïf !

Je ne crois pas à la violence. Elle n’engendre que davantage de violence. Jusqu’au moment où l’on ne peut rien faire d’autre que d’en user toujours plus. Parce qu’on n’a pas su l’endiguer avant et qu’on en arrive au point où il faut bien se défendre. Je crois à l‘éducation et la persuasion douce sur des millions d’années, à une lente évolution de l’espèce humaine qui rampe toujours, moralement, aujourd’hui.  Je crois qu’elle mettra encore des millions d’années avant d’inventer que les conflits doivent se régler uniquement par des joutes verbales. Par des mots. Je préfère écrire cela à adopter une attitude cynique qui dirait : après moi le déluge, qu’importe la violence pourvu que je sois protégée ! Je n’accepte pas cette posture. Car : qui ne dit mot consent.

 

Crédit photo : quattrostagioni

 

Connaître tes valeurs pour écrire un roman qui fait la différence

 

Alors si tu veux faire la différence quand tu écris, si tu veux être suivi par tes lecteurs parce que tu apportes de la bonté et de la décence au monde, sers-toi de tes mots, de ton verbe, tes histoires, tes héros pour propager des valeurs hautes : amour, générosité, courage, intelligence, sensibilité, abondance, beauté, harmonie, estime de soi et des autres… Mon ton est vif, mais je sais que tu comprends mon enthousiasme pour un monde meilleur, et mon indignation pour le monde dans lequel nous vivons. Ecrire en propageant de belles  valeurs, c’est une suggestion. Une simple suggestion. Qui ressemble à un rêve. Mais c’est avec des rêves réalisés et mis bout à bout, pas à pas, que le monde change sans cesse. Alors pourquoi ne pas faire, ensemble, partie de cette communauté de gens qui écrivent pour défendre de belles valeurs ?

Cet article n’est pas comme les autres et j’espère que tu ne m’en voudras pas. Il est beaucoup plus personnel. Et ce n’est pas un article technique comme souvent. Mais la technique seule ne suffit pas à écrire un excellent livre. Tu peux écrire avec les meilleures techniques, cela ne te donnera pas le contenu qui apportera de la valeur aux lecteurs, et le rendra vraiment attentif à ton propos, ton histoire, ta sensibilité.

Apporte de la valeur à tes lecteurs, étonne-les, donne-leur de l’amour, de la compassion, de l’amitié, dénonce l’horreur, ne l’utilise jamais gratuitement comme je le vois dans certains thrillers, dans certains films, dans des œuvres vides mais dangereuses qui n’existent que pour attirer le voyeurisme et l’argent. Car promouvoir la violence, la banaliser, c’est dangereux et immoral.

Un exercice indispensable

 

Quelles sont tes valeurs ? Le sais-tu ? Que veux-tu dire, propager, faire sentir, comprendre ? Que veux-tu offrir à tes lecteurs ? Prends un moment pour toi, une feuille, un stylo, et note tout cela. Prends vraiment ce moment pour y réfléchir consciemment. Prends ton temps. Reviens sur ta feuille de temps à autre, une ou deux fois l’an, pour ajuster ta pensée. Car nous changeons au fil du temps et nous avons peut-être des valeurs différentes à montrer, des subtilités supplémentaires à distiller dans nos romans, nos textes. Combien de gens qui écrivent font cet exercice? Cet exercice pas si facile car il demande de se connaître et connaître ses idéaux et ses valeurs. Ce devrait pourtant être à la base de notre désir d’écrire. A la base de notre réflexion sur l’acte d’écrire.

Je te cite l’un de mes livres préférés, Ecoute, petit homme, de Wilhelm Reich : Tu es grand, petit homme, quand tu n’es pas petit et misérable. Ta grandeur est le seul espoir qui nous reste. Tu es grand, petit homme, quand tu exerces amoureusement ton métier, quand tu t’adonnes avec joie à la sculpture, à l’architecture, à la peinture, à la décoration, à ton activité de semeur ; tu es grand quand tu trouves ton plaisir dans le ciel bleu, dans le chevreuil, dans la rosée, dans la musique, dans la danse, quand tu admires tes enfants qui grandissent, la beauté du corps de ta femme ou de ton mari ; quand tu te rends au planétarium pour étudier les astres, quand tu lis à la bibliothèque ce que d’autres hommes et femmes ont écrit sur la vie.

A nous de jouer notre existence avec joie. A nous de vivre dignement. A nous d’écrire intelligemment. A nous de tenter d’apporter de la valeur à nos lecteurs, et de l’espoir. De participer, à notre modeste mesure, à transformer le monde.

 

Ecoute, petit homme ! Wilhelm Reich  

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10 Commentaires

  1. loupzen

    Triste réalité….peut être que pour des raisons que j’ignore je garde sous le coude le tapuscrit d’une partie de ma vie sous e coude.(ma vie chez les Gens du Voyage)…..le hasard n’existe pas.
    Tout comme le flouze, le savoir est un bon serviteur et un bien mauvais maître. C’est une arme redoutable à ne pas mettre en toutes les mains ? Je me perds dans mes pensées de Loupzen.
    Merci pour ce partage.

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    1. Laure Gerbaud (Auteur de l'article)

      Loupzen,
      Comme je me perds dans mes pensées de rêveuse… vers un monde moins triste.

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  2. Tahar

    Merci, Laure pour toutes ces lignes qui relatent l’humanisme. Oui, où on est-on ,question « humanisme » ? Il y a pire que cette histoire ! Des mamans qui tuent leurs enfants. Des pères incestueux, et j’en passe. Les séquelles de toutes ces horreurs reviennent à l’enfant, ce futur adulte…
    Dans mes livres, je ne cesse d’en parler-je ne me vante pas-je suis de nature pacifiste, j’aime la justice et la liberté individuelle.Je te mets un lien qui te conduira vers un de mes livres et même vers tous mes sept livres. Le voici :
    https://www.edilivre.com/catalog/product/view/id/778776/s/dilemme-funeste-2559e7c7a7/
    Merci et à bientôt.
    Tahar

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    1. Laure Gerbaud (Auteur de l'article)

      Tahar,
      Je vais retourner fouiner dans tes livres. Je l’ai déjà fait et je me souviens de bonnes pages, ça m’avait plu. Bravo pour ton engagement, et je sais qu’il te faut beaucoup de courage pour faire et poursuivre ce que tu as déjà dénoncé à travers tes livres… Chapeau bas, l’ami !

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  3. Michelle Pannetier-Alabert

    Ton article est bouleversant, on y palpe ton émotion et ta révolte. Je partage ton désir de grandeur mais je crains hélas que notre époque préfère le fait divers et le sordide que les mercantiles alimentent.

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    1. Laure Gerbaud (Auteur de l'article)

      Michelle,
      J’ai bien peur que tu n’aies raison… Raison de plus pour poursuivre ! Car il y a beaucoup de gens qui voudraient encore s’élever, je pense, et non se rouler dans la fange de la télé-réalité, la violence, la manipulation, etc, etc. Quand je lis les commentaires sur cet article, je me dis que oui : il y a encore des gens qui ont du cœur et qui voudraient un autre monde.

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  4. Monira

    Salut Laure,j’avoue que j’écrivais sans beaucoup me poser de questions. J’écrivais pour écrire,j’écrivais pour me libérer,j’écrivais par ce que j’aime écrire. J’invente mes histoires non pas pour plaire à quelqu’un mais pour me plaire. Après t’avoir lu,j’ai su que j’avais une mission,non PaS une mission de changer quelque chose mais de participer au changement,de participer à l’équilibre du monde. Il m’arrive tout le temps de d’écrire l’horreur du monde du monde tout en ne dénonçant rien.,pourtant je pensais être seule à désirer le bien,à respecter l’engagement, a vivre de dignité et d’honneur et non pas les troquer contre le bien matériel,je pensais être seule à désirer que l’âge soit un signe de sagesse,que le vieux soit un exemple pour le jeune. En te lisant j’ai su que le mal était vraiment répandu,qu’il y’a plus de pierres dans les poitrines que de cœur. En te lisant j’ai su qu’ils y’a encore de la lumière dans certaines âmes comme La tienne et qu’ils y’a beaucoup de révoltés. Ensemble inchallah nous participerons au changement de notre monde à travers nos plumes.

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    1. Laure Gerbaud (Auteur de l'article)

      Monira,
      Les raisons pour lesquelles tu écris sont d’excellentes raisons, n’en doute pas. Et quand tu écris l’horreur du monde, tu la dénonces déjà, cela suffit dans un roman. Dans un pamphlet, un texte analytique, social, on peut « balancer » plus directement sur ce qui nous tient à cœur et nous semble injuste. Dans le roman, pas besoin de démontrer, montrer suffit, c’est déjà une manière de dénoncer. Car dans le roman, c’est au lecteur de tirer ses conclusions… Il faut lui laisser cette liberté. On peut l’emmener discrètement, pas davantage, à penser juste. Après, c’est à lui de choisir. Je pense donc que si tu décris l’horreur du monde, tu fais déjà ta part… Rassure-toi, beaucoup de gens rêvent d’un monde plus équilibré, nous sommes nombreux. A bientôt sur notre jolie route.

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  5. Le Gal

    Bonjour ! Et bien tu vois mon dernier roman les cris se sont tus, c’est justement pour dénoncer ce monde de silence sur les violences faites aux enfants. Et le roman que je commence rédiger traitera d’une autre forme de violence.

    Bon weekend !

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    1. Laure Gerbaud (Auteur de l'article)

      Waouh ! Bravo ! Ce sont de beaux actes que tu fais là en même temps que des livres.
      Je te souhaite beaucoup d’inspiration.

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