11 conseils d’écriture de roman de Maupassant et Flaubert !
Maupassant et Flaubert nous offrent leurs conseils d’écriture ; saisissons-les !
Guy de Maupassant a écrit une longue préface qu’il a titrée Le roman, tout un programme, pour Pierre et Jean. Il s’y explique, et c’est une grande chance pour nous, sur la façon dont il conçoit le métier d’écrivain et l’écriture. Et nous rapporte aussi ce qu’en disait Gustave Flaubert. Alors prenons conseils des meilleurs.
1 Sois toi
« Tous les écrivains, Victor Hugo comme M. Zola, ont réclamé avec persistance le droit absolu, droit indiscutable, de composer, c’est-à-dire d’imaginer ou d’observer, suivant leur conception personnelle de l’art. Le talent provient de l’originalité, qui est une manière spéciale de penser, de voir, de comprendre et de juger. »
Sois original, sois toi-même. Original ne veut pas dire être différent pour être différent, fabriquer artificiellement des différences. Simplement, si tu te montres authentique, ta différence se montrera naturellement. Ta différence, c’est ton authenticité. Sur ce sujet, tu peux consulter cet article : Sois unique et différent.
2 Sais-tu ce que veulent tes lecteurs ?
« En somme, le public est composé de groupes nombreux qui nous crient : Consolez-moi.
— Amusez-moi.
— Attristez-moi.
— Attendrissez-moi.
— Faites-moi rêver.
— Faites-moi rire.
— Faites-moi frémir.
— Faites-moi pleurer.
— Faites-moi penser.
Seuls, quelques esprits d’élite demandent à l’artiste :
— Faites-moi quelque chose de beau, dans la forme qui vous conviendra le mieux, suivant votre tempérament. »
Il faut donc jouer sur différents registres émotionnels et intellectuels. C’est obligatoire pour être entendu, compris du lecteur. Pour susciter ses émotions, ce qui est la raison principale pour laquelle il va continuer à te lire. Un roman sans émotions est un bonbon sans sucre. Un roman sans intelligence est une robe de grand couturier en nylon.
Et si tu écris un roman d’une forme inhabituelle, et bien c’est un choix esthétique qui ne sera pas forcément applaudi : la majorité des lecteurs n’aiment pas être dérangés dans leurs habitude. Ceci dit, je place l’art avant toute chose et je ne me prive de rien quand j’écris. Racines mêlées est truffé de poèmes, de chants, d’un rêve, de pensées intérieures. Mais c’est un choix qui se paye au prix fort. On est la plupart du temps moins lu que lorsqu’on écrit très formaté, dans un genre très convenu comme par exemple le polar ou la fantasy. On doit faire des choix conscients. Et les assumer.
3 Construis ton roman
« Le romancier qui transforme la vérité constante, brutale et déplaisante, pour en tirer une aventure exceptionnelle et séduisante, doit, sans souci exagéré de la vraisemblance, manipuler les événements à son gré, les préparer et les arranger pour plaire au lecteur, l’émouvoir ou l’attendrir. Le plan de son roman n’est qu’une série de combinaisons ingénieuses conduisant avec adresse au dénouement. Les incidents sont disposés et gradués vers le point culminant et l’effet de la fin, qui est un événement capital et décisif, satisfaisant toutes les curiosités éveillées au début, mettant une barrière à l’intérêt, et terminant si complètement l’histoire racontée qu’on ne désire plus savoir ce que deviendront, le lendemain, les personnages les plus attachants. »
On construit, on structure, on se sert du Voyage du héros si nécessaire. On fait toujours au lecteur la politesse de l’emmener où nous voulons avec adresse. Ce n’est pas à lui de nous suivre sur un mauvais chemin caillouteux ; c’est à nous de l’embarquer sur un chemin agréable, agrémenté de multiples points de vue, détails intéressants, odeurs, sensations, idées passionnantes, etc. Je te renvoie à mon article sur la structure romanesque et le Voyage du héros : Comment structurer une histoire ? Les étapes.
4 Cherche la vraisemblance
« Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable. Le réaliste, s’il est un artiste, cherchera, non pas à nous montrer la photographie banale de la vie, mais à nous en donner la vision plus complète, plus saisissante, plus probante que la réalité même. »
« Quel enfantillage, d’ailleurs, de croire à la réalité puisque nous portons chacun la nôtre dans notre pensée et dans nos organes. Nos yeux, nos oreilles, notre odorat, nos goûts différents créent autant de vérités qu’il y a d’hommes sur la terre. Et nos esprits qui reçoivent les instructions de ces organes, diversement impressionnés, comprennent, analysent et jugent comme si chacun de nous appartenait à une autre race. Chacun de nous se fait donc simplement une illusion du monde, illusion poétique, sentimentale, joyeuse, mélancolique, sale ou lugubre suivant sa nature. Et l’écrivain n’a d’autre mission que de reproduire fidèlement cette illusion avec tous les procédés d’art qu’il a appris et dont il peut disposer. »
Rendre la vraisemblance c’est donner l’illusion de la vraisemblance. Ce n’est pas copier platement la réalité. Du reste, la réalité paraît souvent invraisemblable. Il faut créer la vraisemblance de toutes pièces. Le roman n’est-il pas une œuvre d’imagination ? Tu peux étudier utilement ces deux articles sur la création de personnages vraisemblables : Comment créer un personnage de roman crédible et inoubliable ? (1) et Comment créer un personnage de roman crédible et inoubliable (2)
Ou encore celui-ci : Comment écrire un roman vraisemblable, 4 trucs infaillibles
5 Travaille ta vision
« Les grands artistes sont ceux qui imposent à l’humanité leur illusion particulière. »
J’aime particulièrement cette assertion de Maupassant.
Alors ne te camoufle pas… Commence par développer ta vision personnelle de la vie, de la société, la religion, des relations, de l’art et la littérature évidemment, etc. Ne reste pas dans le politiquement correct, les pensées rebattues, les clichés, les idées toutes faites et prémâchées de ta civilisation. Sors de la boîte, du convenable, du convenu. Montre-nous ce que tu sens, ce que tu penses, ce qui t’anime. Je sais que je le répète souvent. C’est que pour moi, c’est essentiel. Sans vision, il n’y a pas d’œuvre intéressante. On peut posséder toutes les techniques d’écriture du monde sur le bout des doigts mais sans vision elles ne valent rien ! Ton travail d’écrivain, c’est de savoir d’abord quelle est ta vision et après seulement de mettre en œuvre tes techniques pour écrire ton livre. La vision vient avant les techniques. Avant tout. Avant même l’écriture. Ton travail d’écrivain, c’est 80% de vision et 20% de technique. Pour approfondir, tu peux consulter cet article : Ecrire un roman, c’est surtout créer un univers
6 Sers toi de ta propre psychologie
« Notre vision, notre connaissance du monde acquise par le secours de nos sens, nos idées sur la vie, nous ne pouvons que les transporter en partie dans tous les personnages dont nous prétendons dévoiler l’être intime et inconnu. C’est donc toujours nous que nous montrons dans le corps d’un roi, d’un assassin, d’un voleur ou d’un honnête homme, d’une courtisane, d’une religieuse, d’une jeune fille ou d’une marchande aux halles, car nous sommes obligés de nous poser ainsi le problème : «Si j’étais roi, assassin, voleur, courtisane, religieuse, jeune fille ou marchande aux halles, qu’est-ce que je ferais, qu’est-ce que je penserais, comment est-ce que j’agirais?» Nous ne diversifions donc nos personnages qu’en changeant l’âge, le sexe, la situation sociale et toutes les circonstances de la vie de notre moi que la nature a entouré d’une barrière d’organes infranchissable. L’adresse consiste à ne pas laisser reconnaître ce moi par le lecteur sous tous les masques divers qui nous servent à le cacher. »
Je n’ai rien à ajouter. C’est d’une clarté totale. Et réaliste.
7 Apprends à écrire
« Plus tard, Flaubert, que je voyais quelquefois, se prit d’affection pour moi. J’osai lui soumettre quelques essais. Il les lut avec bonté et me répondit: «Je ne sais pas si vous aurez du talent. Ce que vous m’avez apporté prouve une certaine intelligence, mais n’oubliez point ceci, jeune homme, que le talent-suivant le mot de Chateaubriand- n’est qu’une longue patience. Travaillez.»
« Je travaillai, et je revins souvent chez lui, comprenant que je lui plaisais, car il s’était mis à m’appeler, en riant, son disciple. »
On dirait aujourd’hui que Maupassant avait trouvé un mentor, un coach en la personne de Flaubert. Si tu trouves sur ta route un écrivain qui est allé plus haut que toi, pose-lui des questions. Apprends, sois ouvert. Et si tu n’en rencontres pas, lis beaucoup et les meilleurs. Les plus belles leçons d’écriture se trouvent dans nos plus belles lectures. Et continue à te renseigner comme tu le fais maintenant. Lis ce blog, lis en d’autres, lis des articles, des livres, des autobiographies. Que font-ils que tu ne fais pas ? Sois curieux et avide d’apprendre. Je ne crois pas que la connaissance ait une fin. La connaissance est un chemin.
Pour savoir comment te servir de tes lectures de roman pour progresser, tu peux consulter cet article : Mieux lire pour mieux écrire.
8 Cultive ton originalité
«Si on a une originalité, disait-il, il faut avant tout la dégager ; si on n’en a pas, il faut en acquérir une.»
Ta personnalité, c’est ton originalité. Si tu n’as pas de personnalité, ton écriture sera pâle. Travaille ta vision, tes goûts, tes intérêts, tes rêves, tes désirs, tes besoins, tes objectifs, tes envies. Forge-toi une personnalité. Travaille-y sans cesse dans la vie de tous les jours, à chaque instant et même dans les détails qui pourraient te paraître futiles.
Tu peux aussi lire cet article : Comment écrire avec créativité ?
9 A propos de ton talent…
« Le talent est une longue patience. Il s’agit de regarder tout ce qu’on veut exprimer assez longtemps et avec assez d’attention pour en découvrir un aspect qui n’ait été vu et dit par personne. Il y a, dans tout, de l’inexploré, parce que nous sommes habitués à ne nous servir de nos yeux qu’avec le souvenir de ce qu’on a pensé avant nous sur ce que nous contemplons. La moindre chose contient un peu d’inconnu. Trouvons-le. Pour décrire un feu qui flambe et un arbre dans une plaine, demeurons en face de ce feu et de cet arbre jusqu’à ce qu’ils ne ressemblent plus, pour nous, à aucun autre arbre et à aucun autre feu. C’est de cette façon qu’on devient original. »
Perce le mystère sous les apparences. Ce que d’autres voient en surface, observe-le en profondeur. C’est là que ton talent se niche. Va le chercher.
10 Observe, et trouve le mot qui convient
Voici qu’en dit Flaubert : «Quand vous passez, me disait-il, devant un épicier assis sur sa porte, devant un concierge qui fume sa pipe, devant une station de fiacres, montrez-moi cet épicier et ce concierge, leur pose, toute leur apparence physique contenant aussi, indiquée par l’adresse de l’image, toute leur nature morale, de façon à ce que je ne les confonde avec aucun autre épicier ou avec aucun autre concierge, et faites-moi voir, par un seul mot, en quoi un cheval de fiacre ne ressemble pas aux cinquante autres qui le suivent et le précèdent.»
Pour savoir trouver le bon mot, il faut d’abord avoir su observer. C’est un exercice quotidien, un réflexe que tu dois prendre. Il faut être amoureux du monde, avoir envie de le comprendre, le saisir, l’observer, le décortiquer.
Quand je donne des cours de dessin à un élève, je lui apprends avant toute chose ce principe : « Pour apprendre à bien dessiner, il faut apprendre à bien voir. On ne peut dessiner juste ce qu’on ne voit pas avec justesse. Apprendre à dessiner, c’est apprendre à voir. Quand tu auras appris à voir correctement, tu ne verras plus le monde sous le même jour. Dessiner va t’apprendre à voir et tu vas être étonné de ce que tu découvres. Les lieux où tu es passé des milliers de fois, tu vas les regarder autrement, et tu vas découvrir des choses que tu n’avais jamais vues. Pour les gens, ce sera pareil. Et cela va te servir toute ta vie, en plus de te permettre de dessiner juste. » C’est ce que je lui dis, et tu peux l’appliquer pour écrire. Un seul trait de crayon peut révéler une attitude, une posture. Un seul mot peut faire de même. Mais il faut le voir pour le dessiner ou l’écrire.
11 Sois simple
« Il n’est point besoin du vocabulaire bizarre, compliqué, nombreux et chinois qu’on nous impose aujourd’hui sous le nom d’écriture artiste, pour fixer toutes les nuances de la pensée; mais il faut discerner avec une extrême lucidité toutes les modifications de la valeur d’un mot suivant la place qu’il occupe. Ayons moins de noms, de verbes et d’adjectifs aux sens presque insaisissables, mais plus de phrases différentes, diversement construites, ingénieusement coupées, pleines de sonorités et de rythmes savants. Efforçons-nous d’être des stylistes excellents plutôt que des collectionneurs de termes rares. Il est, en effet, plus difficile de manier la phrase à son gré, de lui faire tout dire, même ce qu’elle n’exprime pas, de l’emplir de sous-entendus, d’intentions secrètes et non formulées, que d’inventer des expressions nouvelles ou de rechercher, au fond de vieux livres inconnus, toutes celles dont nous avons perdu l’usage et la signification, et qui sont pour nous comme des verbes morts. »
Ne sois pas précieux dans ton style, sois juste. Cherche le mot, la tournure de phrase, l’expression qui va droit au cœur et au cerveau de ton lecteur. Ne crois pas que ton texte aura l’air plus intelligent parce que tu emploies des mots rares. Au contraire, cela va gêner le lecteur dans sa lecture. Et puis la simplicité est belle en toute chose, particulièrement si elle est efficace. La simplicité, en art, n’est pas simple. Et encore moins simpliste.
Maupassant et Flaubert continuent d’être lus. Maupassant est même particulièrement apprécié, y compris des jeunes lecteurs. Nous avons donc quelques bonnes leçons à puiser dans le joli cadeau de cette préface de Pierre et Jean. Si tu veux lire la préface complète ou ce court roman, tu les trouveras ici en téléchargement gratuit.
Et toi, appliques-tu déjà certains conseils de Maupassant ?
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